« Osez Joséphine » : une pétition pour faire entrer la chanteuse engagée, Joséphine Baker, au Panthéon
Lancée le 8 mai 2021 par l’essayiste Laurent Kupferman, la campagne « Osez Joséphine » appelle à la panthéonisation de Joséphine Baker. Elle rend hommage au parcours de la première star internationale noire française et à sa contribution à la Résistance et au combat contre le racisme.
Surnommée la « Perle noire », la « Vénus bronzée » ou encore la « Déesse créole », Joséphine Baker était bien plus qu’une danseuse de cabaret. Au cours de sa vie, Baker fut une chanteuse célèbre, une militante des droits civiques et un agent de la Résistance française pendant la Seconde Guerre mondiale.
« Joséphine Baker est la première star internationale noire française. Elle était également une femme libre et féministe, mais aussi résistante pendant la seconde guerre mondiale et engagée contre le racisme. Sa panthéonisation serait un puissant symbole d’unité nationale, d’émancipation et d’universalisme à la française ».
Laurent Kupferman
Lire aussi >> Le parcours étonnant de Stéphanie St. Clair, martiniquaise et cheffe de gang à New-York dans les années 20
LA PLUS FRANÇAISE DES AMÉRICAINES
Née en 1906 dans le Missouri sous le nom de Freda Josephine MacDonald, Josephine Baker souffre très tôt de la pauvreté et du racisme. Sa grande percée a lieu en 1925 lorsqu’elle part pour New York avec sa troupe de vaudeville. La jeune femme de 19 ans est rapidement repérée et invitée à l’étranger où elle fait fureur, notamment à Paris.
Vêtue uniquement de perles et d’une jupe en banane pour sa « Dance Sauvage », Josephine apparaît sur scène dans « La Revue Nègre », au Théâtre des Champs-Élysées. Des music-halls aux cabarets, le triomphe est immédiat. Baker exploite l’illusion que les colonialistes européens ont de l’Africain sensuel et exotique. Elle introduit le jazz et le charleston à Paris et devient rapidement l’icône le plus emblématique de l’ère du jazz et des années folles.

Sa renommée ne cesse de croître jusqu’à ce qu’elle devienne l’artiste américaine ayant le plus de succès en France. Elle signe avec le théâtre des Folies Bergère en 1927, puis sort sa chanson à succès J’ai deux amours en 1931. Baker est aussi la première femme noire à jouer dans un long métrage, La Sirène des tropiques (1927).
Malgré sa popularité en France, Baker n’atteindra jamais une réputation équivalente aux États-Unis. En permanence confrontée à la discrimination raciale lors de ses tournées, on lui interdit l’accès à des hôtels et on lui refuse le service dans les clubs et les restaurants. Le cœur brisé, et en signe de protestation, Baker renonce à sa citoyenneté américaine et acquiert la nationalité française en 1937.
LA SIRÈNE DE LA RÉSISTANCE
Ayant trouvé en France la liberté que l’Amérique ne promet que sur papier, lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, Joséphine Baker n’hésite pas à se mettre au service de son pays d’adoption. « Les Parisiens m’ont donné leur cœur, et je suis prête à leur donner ma vie », dit-elle.
Utilisant sa célébrité comme couverture, elle recueille des renseignements pour la Résistance française pendant l’occupation nazie. Elle fait passer des messages secrets sur ses partitions en utilisant de l’encre invisible, et cache des réfugiés juifs et des armes dans son château dans le sud-ouest de la France. Active au sein de la Croix-Rouge française, elle est aussi promue au rang de sous-lieutenant de l’armée de l’air.

Après la guerre, Baker reçoit les plus hautes distinctions militaires françaises pour son héroïsme : la Croix de guerre et la Médaille de la Résistance. Le Général de Gaulle l’a également nommée membre de la prestigieuse Légion d’honneur du pays. « Je suis fière d’être française car c’est le seul endroit au monde où je peux réaliser mon rêve », déclare Joséphine Baker à ses compatriotes.
UNE LUTTE ACHARNÉE CONTRE LA DISCRIMINATION SOUS TOUTES SES FORMES
Tout au long de sa vie, Baker s’est consacrée à la lutte contre le racisme, tant en France qu’à l’étranger. Porte-parole de la LICRA (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme), elle s’est également engagée dans l’émancipation des Noirs et le mouvement américain des droits civiques.
La première star internationale noire a dénoncé publiquement les politiques de ségrégation raciale et a refusé de se produire dans des lieux qui interdisaient les visiteurs noirs ou qui pratiquaient la ségrégation du public. Baker a aussi pris la parole lors de la Marche sur Washington de 1963, pour établir des comparaisons entre ses deux pays. En France, elle pouvait vivre librement en tant que femme noire. En Amérique, on lui refusait des services en raison de sa race.
Après l’assassinat de Martin Luther King en 1968, on lui propose un poste de direction dans le mouvement, mais elle refuse par crainte pour la sécurité de ses 12 enfants. D’ailleurs, à travers eux, Joséphine aura voulu prouver que le racisme est enseigné, et que “des enfants d’ethnies et de religions différentes peuvent encore être frères“. C’est ainsi que, dans son vaste château du XVe siècle des Milandes, en Dordogne, elle forme ce qu’elle a appelé sa Rainbow Tribe (« tribu arc-en-ciel »), faisant ainsi écho à I have a dream, le fameux discours prononcé le 28 août 1963 par le pasteur.
Lire aussi >> Miriam Makeba : chanteuse engagée, militante dans l’âme

« J’aimerais mourir à bout de souffle, épuisée, à la fin d’une danse ou d’un refrain ».
Après 50 ans dans le showbusiness, Joséphine Baker décède en 1975 à Paris.
La campagne « Osez Joséphine » lancée le 8 mai 2021 par l’essayiste Laurent Kupferman pour faire entrer Joséphine Baker au Panthéon atteste du parcours d’une femme qui a aimé la France et l’a servie. Pour l’heure, le Panthéon compte 75 hommes pour seulement 5 femmes mais aucune femme noire, et aucun artiste de spectacle vivant.
