culture

Laetitia Ngoto, ambassadrice de la culture afro-urbaine

par BY

22 janv. 2020

L’afro soignée, le sourire au lèvre, malgré le ciel couvert du mois de novembre, nous rencontrons Laetitia Ngoto entre deux rendez-vous car son agenda est chargé. La jeune femme de 31 ans travaille depuis quelque temps pour l’Institut français, dans le cadre du projet AFRICA 2020. Une nouvelle aventure dans laquelle elle assiste deux commissaires nommés par l’Elysée, afin d’organiser des événements autour des cultures africaines qui auront lieu dans toute la France. À côté de cela, La jeune femme gère son association “Art’Press Yourself” fondée avec sa sœur. Créée en 2015, l’association fait la promotion de la culture “afro-urbaine”, à travers des événements, des activités et animations pédagogiques que Laetitia met en place dans 93, en partenariat avec les collectivités locales. Elle nous raconte pourquoi elle a choisi de s’implanter dans le cosmopolite département du 93. Entretien


Depuis combien de temps ton association est-elle active dans le 93 ? 

Cela fait 1 an que nous avons réellement commencé à proposer des événement dans la Seine-Saint-Denis et 5 ans qu’on organise des événements dans toute l’Ile-de-France. 

Qu’est-ce qui vous a poussé à venir vous implanter dans le 93 avec “Art Press Yourself” ? 

Déja l’association dont la présidente est ma soeur est basée (domiciliée) dans le 93, ce qui fait que nous avons un lien direct avec le département. Puis les choses se sont faites de manière naturelle. On a tout d’abord postuler au concours du MediaLab93 et on a été sélectionné. Une fois à l’intérieur, nous avons commencé à travailler, ma sœur et moi, pour nous faire le plus de contacts, notamment des professionnels issus de la banlieue du 93. D’ailleurs, au même moment nous avons été contactées par des structures et des institutions basées en Seine-Saint-Denis. Et c’est comme ça que tout a commencé !

Donc tu fais la promotion de la culture et de l’Art africain. Est-ce que c’est facile de parler d’art dans le 93 ? 

Je fais la promotion de la Culture Afro-Urbaine, je préfère dire “Afro” car dernièrement, nous avons organisé un événement qui mettait en avant autant l’Afrique que l’Amérique Latine. Donc même si l’on sait que tout vient d’Afrique, on reste assez large pour pouvoir explorer et aborder plusieurs thèmes et de ne pas être trop confinés. Ensuite “Urbaine” parce qu’on met également en avant une culture qui est assez populaire, accessible et fédératrice. Avec cette définition, il est plus facile de mettre en avant l’art dans le 93 car le public est cosmopolite, avec beaucoup de jeunes et des familles qui se mélangent facilement. Nous avons des gens issus des quartiers populaires mais aussi des “bobos” qui viennent de Paris.

Est-ce que tu penses que ce mélange est possible dans d’autres départements ? 

Oui, je pense que c’est possible mais ça ne donnerait pas le même résultat ! Quand on a commencé, on a été contacté par des structures qui aimaient ce que nous faisions. Du coup, nous avons commencé à travailler dans le 15e arrondissement de Paris. Ensuite, on a fait notre festival dans le 11e puis dans le 19e. Au final, on s’est rendu compte qu’on ne pouvait pas faire de copier-coller avec ce que nous faisions dans le 93. Car le public n’est pas le même et n’ont pas les mêmes attentes. On ne peut pas présenter cette culture là de la même manière partout. 

Du coup, quelle est la stratégie pour présenter l’art et la culture Afro dans les milieux populaires tels que dans le 93 ? Quelle est ta cible principale ? 

Ma cible principale, qui vient de manière naturelle par rapport à nos réseaux sociaux, sont les Afro-Caribéens âgés de 20 et 35 ans. Ils nous suivent depuis le départ, ils sont actifs et fidèles à nos événements parce qu’ils se sentent concernés. Après la cible change ou s’élargit selon le lieu et le thème du festival. Ma stratégie pour le 93 est particulière. Nous avons deux objectifs : mettre en avant la culture Afro-Ubaine mais surtout mettre en avant des mouvements et des personnes issues de cette culture. Nous mettons en place des activités et des animations ludiques et pédagogiques, et comme ça qu’on arrive à sortir du lot. Nous avons travaillé avec la mairie d’Aubervillier qui proposait des activités aux enfants défavorisés. Nous avons adapté nos activités et nos animations pour ce type de public et ça match caar au final c’est très participatif ! Les enfants et les gens se prêtent aux jeux, d’où le “Art press Yourself” : le public qui exprime son art.

Quel est le lieu qui t’inspire dans le 93? Il y a t il un lieu qui t’inspire? 

J’ai fait un événement aux Magasin Généraux, à Pantin, en 2018 puis deux événements au DOCK B sur les quais du canal de L’Ourcq, et je me disais que j’aimais vraiment cette environnement. C’est vraiment mon style ! Il y a un public très mélangé et curieux. Je connais bien le canal de l’Ourcq et j’y suis attachée. Il y a aussi un autre lieu que j’apprécie particulièrement mais difficile à maîtriser pour un événement, c’est la Cité Fertile. C’est très grand et pour les événements autour de la culture afro, j’aime être dans des lieux tel que celui-ci. La Cité fertile, c’est un rêve et un challenge ! 

Dirais-tu qu’il y a un esprit, une philosophie dans le 93 ? 

Le 93 c’est particulier, les gens adhèrent facilement aux nouveaux mouvements et actions qu’il y a dans leur environnement. Les habitants du 93 aiment profondément leur département. ils sont eux même les ambassadeurs de leur territoire. À chaque fois que je rencontre une personne de ce département, elle me renseigne sur les lieux à visiter, les restaurants où il faut manger. On sent qu’ils ont une grande fierté d’appartenir au 93. 

Est-ce que tu penses que certains changements sont nécessaires dans ce département ? Y a-t il des choses sur lequel il faut travailler encore ? 

Je trouve que le 93 bénéficie d’une mauvaise réputation persistante auprès des autres habitants de l’Ile-de-France. Les gens ont une image négative du 93 et c’est dommage. Il y a aussi le problème de l’accessibilité : pour les parisiens, le 93 c’est trop loins ! (Rires) 

Il est dit que le 93 est le laboratoire de la France de demain, qu’en penses-tu et  pourquoi, selon toi ?

Je suis plutôt d’accord. Le 93 est un endroit cosmopolite où tous les groupes de personnes que l’on peut avoir en France se retrouvent dans ce panel de diversité. Il y a différentes nationalités et diverses catégories socio-professionnelles, mais également différents centres d’intérêts. Moi je me dis que si tu arrives à faire un événement dans le 93, tu pourras le faire n’importe où en Ile-de-France. Le dernier événement que j’ai fait dans le 93, j’ai réussi à ramener des personnalités du monde entier, notamment d’Afrique. Et lorsqu’elles venaient elles ne parlaient pas de Paris mais de Pantin ou Aubervillier. 

As-tu un message concernant le 93 de demain ? 

Moi la seule chose qui me tient à cœur, c’est que les institutions en place ou qui vont s’imposer à travers le Grand Paris, soient dans une démarche d’échange et d’ouverture avec la jeunesse de la Seine-Saint-Denis. Qu’on maintienne et qu’on entretienne le dialogue et la possibilité de mettre en place des actions pour le département.