Arabie Saoudite : Une jeune domestique malgache, violée puis enterrée à la pelleteuse
Le 15 mars dernier, une vidéo montrant une jeune domestique malgache enterrée à l’aide d’une pelleteuse, dans un cimetière non-musulman dans l’est du pays a choqué à Madagsacar, où les rites d’inhumation sont sacrés. Cette scène surréaliste s’est passée dans un terrain de sable visiblement désert, où l’on voit une pelleteuse rabattre de la terre sur le corps de Mélanie enveloppée dans un kafan blanc.
Mélanie, jeune malgache de 22 ans, arrivée en Arabie Saoudite en 2018, pour travailler en tant que fille au pair, a été contrainte de se prostituer après avoir échappé à son employeur maltraitant. C’est malheureusement une expérience que traversent de nombreuses jeunes filles ayant émigré dans les pays du Golfe, dans l’espoir d’améliorer leurs conditions de vie, un désenchantement qui survient peu après leur arrivée. Celles-ci voient leur rêve se transformer en cauchemar. Leurs passeports sont confisqués par leurs employeurs et de fait, elles ne peuvent pas sortir du pays. En outre, lorsqu’elles parviennent à leur échapper, elles finissent bien souvent entre les mains des proxénètes. C’est ce qui est arrivé à Mélanie qui est tombée dans un guet-apens et a été sauvagement assassinée après avoir été violée.

Le 15 mars 2021, une vidéo d’à peine une minute, filmée quatre jours plus tôt, a été publiée sur les réseaux sociaux. On y voit une inhumation se déroulant dans le cimetière non-musulman de Jubai situé à l’est du pays et qui a choqué à Madagascar où les rites d’inhumation sont sacrés. Dans cette vidéo, on entend également les cris de douleur d’une femme qui porte une abaye accompagnée d’une autre qui tente de la calmer.
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L’association franco-malgache, AZIG, dénonce un trafic humain meurtrier des travailleurs d’Afrique de l’Est dans ce pays. La coordinatrice de l’association Carrozza Heliarisoa était en contact avec Mélanie et elle explique que « Le jour où Mélanie a été tuée, un client l’avait appelée et a loué une chambre d’hôtel, il a dit être seul, mais lorsqu’elle l’a rejoint, il y avait plusieurs autres personnes. Mélanie a prévenu ses amies que si elle ne rentrait pas de ce rendez-vous, elle serait morte. Elle avait une importante somme d’argent sur elle. Lorsque le rendez-vous s’est terminé, ils l’ont égorgée et ont certainement pris son argent. Son amie a reçu une photo extrêmement choquante, où on voit son corps mutilé et ensanglanté gisant sur un drap, avec un message : “Tenez, votre amie est morte”. »
Le crime abjecte des assassins de Mélanie ne s’arrête pas là. La présidente de l’association poursuit :« Ensuite, le corps a été retrouvé dans la brousse de Dammam en octobre 2020. J’ai prévenu l’ambassade malgache à Riyad, mais personne ne s’est mobilisé et son corps est resté dans la nature pendant deux ou trois mois. À ce moment-là, en octobre, l’aéroport de Riyad était fermé et environ 85 femmes malgaches avaient besoin de partir d’Arabie saoudite après avoir rompu leur contrat. Ce n’est que là que l’ambassade a récupéré son corps. La famille m’a donné une dérogation pour rapatrier sa dépouille ».

Ces situations désastreuses que vivent des travailleuses dans ces pays du golfe ne date pas d’hier. « En 2019, une fille que j’étais censée rapatrier a été retrouvée enterrée là-bas. Dammam est un hub de prostitution. Il y a beaucoup de femmes malgaches qui sont proxénètes, elles travaillent souvent avec des proxénètes kényans et éthiopiens sur place. Les jeunes femmes envoient de l’argent à leur famille mais par le biais du proxénète qui n’envoie jamais la somme complète. Il arrive que ces jeunes femmes soient tuées par leur propre chef, si elles ont gagné assez d’argent pour pouvoir se permettre de s’affranchir de leur proxénète. Selon les informations que nous avons pu collecter, c’est probablement ce qui est arrivé à Mélanie. Et la famille n’est pas au courant de ce qui se passe dans la vie de leur fille », déplore la coordinatrice.

Face à la maltraitance des travailleuses malgaches dans ces pays du Golfe, le gouvernement malgache avait mis en place en 2013 un décret suspendant la migration des travailleuses vers ces pays qui sont cités par l’indice de la Conféderation Syndicale Internationale (CSI) comme étant parmi les pires pays pour les travailleurs et les travailleuses. En 2009, l’Arabie Saoudite a émis une loi destinée à « lutter contre la traite humaine », qui punit ce délit d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 15 ans et d’une amende allant jusqu’à un million de riyals, soit 226 779 euros.
En dépit de cette loi, rares sont des plaintes qui sont déposées et les enquêtes menées à bout sont presque inexistantes, estime Rima Kalush, coordinatrice au centre de recherche Migrants Right qui recense les abus des droits des travailleurs migrants dans les pays du conseil de coopération du Golfe. Pour mettre un terme à l’exploitation ainsi qu’au trafic humain dans ces pays du golfe, les pays d’où viennent ces travailleurs et travailleuses et les pays où ils émigrent doivent faire preuve de volonté et coopérer dans ce sens.
